CAMILLE PAULHAN


mai 2014
De la danse flamenco, une promenade entre deux murs, un mouvement calqué sur le son répétitif d’un métronome : il est question, dans le travail processuel du dessin que mène Mathieu Bonardet, d’espaces dans lesquels un corps se meut, parfois jusqu’à l’essoufflement. Sans transformer ce travail en spectacle, l’artiste choisit souvent de ne montrer qu’un des aspects du processus : traces témoignant d’une action passée, photographies ne captant qu’un instant, sons d’un épuisement progressif du corps, vidéos où le horschamp prend autant d’importance que ce qu’on peut y voir. Dans Sans titre (flamenco), les pieds d’une danseuse effleurent en rythme un dessin monochrome au graphite, matériau de prédilection de l’artiste. La surface plane du dessin, avec ses variations sensibles de noirs, paraît semblable aux auréoles qui hantent les surfaces d’objets quotidiens que la main a souvent effleurées, créant un aspect poli semblable à celui des métaux. Ailleurs, c’est son bras devenu balancier que Mathieu Bonardet soumet au rythme d’un métronome, afin de produire un dessin aussi visuel que sonore. Là où l’objet s’épuise, passant d’un allegro énergique à un largo lancinant, la main, pas assez mécanique, peine à accorder les frottements du graphite aux ralentissements du métronome. Dans une autre oeuvre, c’est son corps entier qu’il contraint à un déplacement répétitif, d’abord lent puis de plus en plus rapide, d’un mur à l’autre, produisant à chaque passage une ligne supplémentaire sur une composition horizontale de plus en plus nerveuse. Loin de chercher à nier la durée inhérente au dessin à travers des productions une fois pour toutes achevées, ses oeuvres, sous leur aspect galvanisé, ont pour matériau principal quelque chose de bien impalpable : le temps, puisqu’il faut le nommer.


Camille Pauhlan est critique d’art et commissaire d’exposition indépendante.