GUITEMIE MALDONADO
janvier 2013
D'abord, il y a eu des paysages, très simples, très épurés, marqués par le ruban d'une route ou des panneaux de signalisation muets. Et puis, comme par un effet de concentration, ne sont restés que des signes, ou plus exactement des lignes : celle de l'horizon, celles qui délimitent des formes ou encore qui tracent n'importe quelle frontière. Une constante pourtant dans ces transformations : Mathieu Bonardet a continué d'employer le graphite qu'il apprécie parce qu'il est à la fois dur et friable, parce qu'il pourrait en faire une sculpture, mais qu'il lui arrive aussi parfois d'en laisser la poudre au sol après l'avoir usé sur le mur, enfin parce qu'il permet une grande variété de nuances et d'effets, tantôt épousant le grain du papier, tantôt lui conférant une certaine brillance. Et progressivement aussi, l'accent s'est déplacé du paysage vers la marche au sens large, la marche entendue comme un rythme, comme un mouvement répété et régulier qui entraîne le corps autant que la pensée. Sans titre (polyptyque pour ligne d'horizon) est ainsi le résultat d'heures et d'heures pendant lesquelles a été répété le même geste, jusqu'à l'épuisement. Mais rien de cela n'apparaîtra à la fin, tant le lent dégradé de l'ombre à la lumière et le mouvement d'élévation qu'il impulse inspirent plutôt la sérénité. Et pourtant, cette dimension physique de l'acte créateur semble prendre de plus en plus d'importance, qu'elle se sente dans des gestes plus appuyés, plus nerveux, déployés sur le mur ou qu'elle soit documentée, par un film, un enregistrement sonore ou encore par les restes d'un bâton de graphite brisé net. Car telle est la particularité des recherches de Mathieu Bonardet, qui par bien des aspects évoquent celles d'un Robert Morris : elles sont d'ordre à la fois conceptuel – tout est minutieusement prévu à l'avance dans ses dessins – et physique, qu'elles s'incarnent dans son propre corps ou dans les feuillets du graphite.
Guitemie Maldonado est critique d’art (L’Oeil, Connaissance des arts, Artforum). Elle enseigne l’Histoire générale de l’art du XXe et XXIe siècles à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et l’École du Louvre.