LA BORNE

L’EFFONDREMENT D’UN PAYSAGE


2023   09.11 - 03.12

exposition personnelle


Quatre panneaux de même dimension, progressivement saturés de graphite dans leur moitié inférieure, reposent côte à côte. Vus à travers l’ouverture principale de la Borne, les panneaux glissent jusqu’à nous atteindre et occuper la surface inaccessible du sol. Depuis la vitrine latérale, le paysage, suggéré par la simple répétition d’un geste révélateur de l’horizon, s’effondre sous nos yeux en quatre plans successifs, comme un arrêt sur image d’un cataclysme d’où l’homme aurait disparu.

Le paysage pourtant ne se conçoit pas sans l’homme, car il « se révèle dans une expérience où sujet et objet sont inséparables1 ». Le corps, qu’il s’agisse de celui du regardeur ou de celui de l’artiste, transparaissant dans son dessin par la répétition du geste, plane donc au-dessus de cette nature désolée et dévastée. Reste en suspens la question de l’origine de son éboulement et de son abandon.

Dès son premier Polyptyque pour lignes d’horizon, Mathieu Bonardet parlait du paysage comme vanité2 : ces mêmes panneaux, alors simplement posés à la verticale face à nous, en confrontant le temps du paysage et le temps de l’homme, mettaient en avant la finitude de ce dernier. Aujourd’hui, par leur glissement, c’est le monde lui-même qui apparaît comme mortel. De l’apaisement à l’effondrement, alors que « le chaos commence et les ordonnances disparaissent3 », peut-être faut-il y voir une conscience plus éveillée de notre monde en déliquescence.
Xavier Bourgine
critique et auteur des Ultimes (Grasset, 2021), relecture de Caïn et Abel à l’heure du dérèglement climatique, Xavier Bourgine poursuit une thèse en histoire de l’art à l’Université Bordeaux Montaigne.


1  Michel Collot, « Point de vue sur la perception des paysages », L’espace Géographique, tome 15, n°3, Doin, 1986, p. 212.
2  « Représentation picturale évoquant la précarité de la vie et l'inanité des occupations humaines », d’après le CNRTL.
3  Robert Walser, La promenade, Ed. Gallimard, 2007, p. 80.



La borne a été placée place Sadi Carnot 37230 Luynes
du 9 novembre 2023 au 2 janvier 2024

Le pays où le ciel est toujours bleu
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